Les Ong pour une Cour des citoyens et non des Etats

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Les organismes des droits de l’Homme au Sénégal réclament « une Cour des citoyens et non des Etats ». C’est ce qu’on peut retenir de la discussion du panel de spécialistes sur les droits humains en Afrique, organisé dans le cadre « des Vendredis de Sup De Co », qui s’est tenu le vendredi 16 avril au Conseil économique et social (Ces).


Dans le cadre de ses cycles de conférence, le Groupe école supérieure de commerce (Sup De Co) de Dakar a convié à la réflexion sur le thème « Mécanismes de Promotion et de Protection des Droits Humains en Afrique ». Le débat était animé par Alioune Tine, président de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’Homme (Raddho). C’était le vendredi 16 avril dernier au siège du Conseil économique et social (Ces). A cette occasion le conférencier a revisité l’évolution des droits de l’Homme au Sénégal. De Senghor à Wade en passant par Abdou Diouf à propos des mécanismes des droits de l’Homme.

 

Selon Alioune Tine, Senghor était un véritable leader de par ses initiatives de proposer une charte des droits de l’homme et des peuples. Par le fait d’accueillir au Sénégal les initiateurs qui ont rédigé ce projet et d’encourager la plupart des experts sénégalais à le faire appliquer ; mais aussi du point de vu de l’émergence, de la maturation et de la rédaction du projet. Selon le président de la Raddho, Senghor a largement joué son rôle parmi les très rares Etats Africains pour la reconnaissance des droits humains.

 

Alioune Tine souligne qu’Abdou Diouf quant à lui a beaucoup apporté en ce qui concerne la campagne de ratification. En tant que président de l’Organisation de l’Unité Africaine (Oua), Abdou Diouf a fait tous les pays et a ratifié ces mécanismes dans les pays de l’Oua. Mieux, quand le comité Sénégalais des droits de l’homme qui avait à sa tête qui Youssoupha Ndiaye a été crée, ce comité avait un prestige car il était renforcé institutionnellement mais aussi financièrement. Parce que tous ses rapports étaient remis de façon solennelle au Président de la République de l’époque Abdou Diouf.

 

Ainsi, poursuit M. Tine, chaque fois qu’il y avait des cas de torture, le comité Sénégalais pouvait saisir sa justice et en même temps prenait les rapports des Ong qui le saisissaient.

 

L’alternance efface tout

 

Sous le régime de Wade, les Sénégalais n’entendent plus parler de comité. Car il n’a plus de moyens logistiques ni financiers, avec des personnes ressources très limitées. Avec comme coordonnateur Alioune Ndiaye qui fait des efforts et en même temps le Président des Institutions régionales de droits de l’Homme à la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao), mais il y a très peu de soutien de l’Etat. Durant l’alternance, l’Etat a créé le Haut commissariat aux droits de l’Homme qui fonctionne à vide pour ne pas dire sans personnel.

 

Le président de la Raddho indique : « Quand on prend les mécanismes de droits de l’Homme au Sénégal, ils sont beaucoup affaiblis ». Alioune Tine d’affirmer que c’est une renonciation même aux leaderships en matière de droits de l’Homme. Selon lui, Me Wade parlait au début de son accession au pouvoir, de droits de l’Homme et les institutions des droits comme la Raddho avaient cheminé avec lui pour la promotion et la défense des droits de l’Homme.

 

Aujourd’hui, fait-il remarquer, c’est une renonciation claire et nette des dirigeants Africains en général et celui des Sénégalais en particulier. Le président de la Raddho a même souligné quelques avancés dans le domaine des droits à savoir la promotion des droits de la femme, l’abolition de la peine de mort et le fait d’avoir promu l’esclavage et la traite négrière comme crime contre l’humanité. Mais selon Alioune Tine, « ce qui est regrettable et massif, c’est que le Sénégal n’a plus de leaderships. Certains Sénégalais vont au Bénin pour régler des problèmes si leurs droits sont bafoués en saisissant la cours constitutionnelle du Bénin ». C’est pourquoi, « nous voulons que le Sénégal prenne sa position de leadership en matière de droit de l’Homme ».

 

C’est dans ce sillage que Président de l’Organisation Nationale pour la Défense de Droits de l’Homme (Ondh), Me Assane Dioma Ndiaye indique que la Cour africaine des droits de l’homme n’est pas faite pour les citoyens mais pour les Etats. « Ce que nous réclamons, c’est une Cour des citoyens et non des Etats », a-t-il martelé. Me Assane Dioma Ndiaye considère que la Cour internationale de justice doit être un instrument de dissuasion pour les chefs d’Etat africains. « Nous devons travailler à fortifier la Cour et non à l’affaiblir », renseigne-t-il. C’est pourquoi, « il faut une sensibilisation et un combat au niveau interne pour montrer l’importance du respect des droits humains. Plaider pour une accessibilité des citoyens à ces mécanismes ». Avant d’ajouter qu’ « il ne sert à rien de ménager des mécanismes qui ne soient pas à la porté des citoyens. Nous plaidons pour une effectivité des droits de l’Homme et non pour des droits qui soient simplement proclamatoirs ». Pour lui, « c’est un combat de tous les jours et nous pensons qu’avec le temps, nos dirigeants comprendront qu’il faut aller vers des mécanismes qui puissent traduire sur le terrain de la réalité tous ces droits qui sont proclamés aussi bien par la constitution Sénégalaise que la convention internationale ».

 

Le président directeur général de Sup De Co, Aboubacar Sadikh Sy estime que le devenir de l’Afrique c’est le développement et si les droits sont bafoués, il n’y aura point de développement en Afrique. Le président directeur général de Sup De Co de dire que le respect des droits de l’Homme rime avec le développement. Il est revenu aussi sur le but visé à travers une telle rencontre. Selon lui, « l’objectif de ce thème est de sensibiliser les étudiants de son institution sur l’importance des droits de l’homme en entreprise et dans la vie active ».

 

Le président d’honneur d’amnistie international, Me Demba Ciré Bathily, et modérateur du jour, estime pour sa part, que sans un bon mécanisme des droits de l’Homme, il ne peut pas avoir de développement. C’est dans cette perspective que Me Demba Ciré Bathily interpelle l’Etat à introduire les droits dans les établissements pour une bonne connaissance des droits dès le bas âge.

 

Aïssatou Doucoure

 

Source : Sud Quotidien - Publié le 18 avril 2010

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